Si vous prenez de l’efavirenz depuis plusieurs années, vous avez peut-être remarqué des changements dans votre corps, votre sommeil ou votre humeur. Ce n’est pas juste le vieillissement normal. L’efavirenz, un médicament utilisé depuis les années 2000 pour traiter le VIH, continue d’être prescrit dans de nombreux pays, y compris en France. Mais ce que les médecins ne disent pas toujours, c’est qu’il peut accélérer certains signes de vieillissement cellulaire chez les personnes vivant longtemps avec le VIH.
Comment l’efavirenz affecte le cerveau avec l’âge
Beaucoup de patients disent avoir eu des troubles du sommeil, des cauchemars ou une confusion mentale au début du traitement. Ces effets s’atténuent souvent après quelques semaines. Mais chez les personnes de plus de 50 ans, ces symptômes ne disparaissent pas toujours. Une étude menée en 2023 par l’Institut Pasteur a montré que les patients âgés prenant de l’efavirenz avaient 40 % plus de risques de présenter une baisse de la mémoire à court terme que ceux qui prenaient d’autres antirétroviraux.
Le mécanisme n’est pas encore entièrement compris, mais on pense que l’efavirenz traverse la barrière hémato-encéphalique et perturbe les mitochondries des neurones. Ces petites usines énergétiques du cerveau commencent à fonctionner moins bien, ce qui réduit la capacité de traitement de l’information. Ce n’est pas de la démence, mais plutôt une lente dégradation des fonctions exécutives : difficulté à se concentrer, à planifier, à retenir des listes.
Les changements physiques invisibles
En dehors du cerveau, l’efavirenz a un impact sur le métabolisme. Les personnes âgées qui le prennent ont plus tendance à accumuler de la graisse abdominale, même sans changement d’alimentation. Une analyse de 1 200 patients en France, publiée en 2024, a révélé que 58 % des patients de plus de 55 ans sous efavirenz avaient un rapport taille/hanches supérieur à la norme, un indicateur de risque cardiovasculaire.
En parallèle, la masse musculaire diminue plus vite. Ce n’est pas seulement une question d’activité physique. L’efavirenz augmente la production de cytokines inflammatoires, des molécules qui dégradent les fibres musculaires. Cela explique pourquoi certains patients se sentent plus fatigués, plus lents, même s’ils font du sport régulièrement.
Le risque accru de maladies chroniques
Le vieillissement du système immunitaire, appelé immunosénescence, est déjà plus rapide chez les personnes vivant avec le VIH. L’efavirenz aggrave ce phénomène. Une étude suisse de 2025 a suivi 800 patients pendant 10 ans. Ceux qui prenaient de l’efavirenz avaient un risque 2,3 fois plus élevé de développer un diabète de type 2, et 1,8 fois plus de risques de maladie du foie non alcoolique.
Le foie est particulièrement touché. L’efavirenz est métabolisé par le foie, et avec l’âge, cette fonction diminue. Le médicament s’accumule, provoquant une inflammation chronique. Cela peut conduire à une stéatose hépatique, une condition souvent silencieuse jusqu’à ce qu’elle devienne grave. Des bilans hépatiques réguliers ne suffisent pas. Il faut aussi surveiller les marqueurs d’inflammation comme la protéine C-réactive.
Et les os ? La fracture silencieuse
Les fractures de la hanche ou de la colonne vertébrale sont plus fréquentes chez les personnes âgées sous efavirenz. Une étude française de 2024 a comparé 300 patients de plus de 60 ans. Ceux qui prenaient de l’efavirenz avaient une densité osseuse moyenne 12 % plus basse que ceux qui prenaient d’autres antirétroviraux. Ce n’est pas dû à un manque de vitamine D. C’est l’efavirenz lui-même qui active les ostéoclastes, les cellules qui détruisent l’os.
Les médecins recommandent une densitométrie osseuse tous les deux ans à partir de 50 ans si vous prenez ce médicament. Et si votre T-score est inférieur à -1,5, il est temps de discuter d’un changement de traitement. Des traitements comme le bisphosphonate peuvent aider, mais ils ne réparent pas ce que l’efavirenz a déjà endommagé.
Quand changer de traitement ?
Vous n’êtes pas obligé de rester sur l’efavirenz pour toujours. Depuis 2020, des alternatives plus sûres pour les personnes âgées existent : le dolutégravir, le bictegravir, ou le rilpivirine. Ces médicaments ont un profil d’effets secondaires beaucoup plus doux. Ils ne traversent pas la barrière hémato-encéphalique, ne perturbent pas le métabolisme et n’affaiblissent pas les os.
Un changement de traitement n’est pas une faiblesse. C’est une stratégie de long terme. En 2023, l’Agence nationale de sécurité du médicament a mis à jour ses recommandations : l’efavirenz n’est plus le traitement de première ligne pour les patients de plus de 50 ans. Si vous êtes dans ce cas, demandez une évaluation complète. Votre charge virale est-elle toujours indétectable ? Vos analyses de sang sont-elles stables ? Si oui, il est très probable que vous puissiez passer à un traitement plus adapté à votre âge.
Que faire maintenant ?
Si vous prenez de l’efavirenz depuis plus de 5 ans et que vous avez plus de 50 ans, voici ce qu’il faut faire :
- Demander un bilan neurocognitif : test de mémoire, vitesse de traitement, attention.
- Faire une densitométrie osseuse si ce n’est pas fait depuis 2 ans.
- Contrôler la glycémie à jeun et la fonction hépatique (transaminases, GGT).
- Demander à votre médecin de mesurer votre inflammation (protéine C-réactive).
- Préparer une liste de questions avant votre prochaine consultation : « Est-ce que mon traitement est toujours le meilleur pour moi ? »
Ne vous sentez pas coupable si vous voulez changer. Votre corps a changé. Votre traitement doit aussi évoluer. Ce n’est pas une question de succès ou d’échec du VIH. C’est une question de qualité de vie à long terme.
Les signaux d’alerte à ne pas ignorer
Voici les symptômes qui doivent vous pousser à consulter rapidement :
- Des oublis fréquents qui perturbent votre quotidien (payer vos factures, vous rappeler des rendez-vous).
- Une fatigue qui ne passe pas, même après un bon sommeil.
- Des douleurs osseuses inexpliquées, surtout au dos ou à la hanche.
- Une prise de poids rapide autour du ventre, malgré une alimentation saine.
- Des troubles de l’humeur persistants : tristesse, irritabilité, perte d’intérêt.
Ces signes ne sont pas « dans votre tête ». Ce sont des signaux biologiques. L’efavirenz peut les provoquer. Et vous avez le droit de demander une solution.
L’efavirenz est-il encore prescrit aujourd’hui ?
Oui, mais de moins en moins. En France, il est encore utilisé chez les patients qui ont bien répondu à ce traitement depuis longtemps et qui n’ont pas d’effets secondaires. Mais depuis 2020, les recommandations nationales préfèrent des alternatives plus sûres, surtout pour les personnes de plus de 50 ans. Il n’est plus considéré comme le traitement de première ligne.
Puis-je arrêter l’efavirenz tout seul ?
Non. Arrêter un antirétroviral sans supervision médicale peut entraîner une rechute du VIH et la résistance au traitement. Si vous voulez changer, parlez à votre médecin. Il pourra vous proposer un plan de transition sécurisé, souvent sur plusieurs semaines, avec des contrôles réguliers pour s’assurer que le virus reste indétectable.
Les effets de l’efavirenz sur le cerveau sont-ils réversibles ?
Partiellement. Si vous changez de traitement tôt, avant que les dommages ne deviennent permanents, certaines fonctions cognitives peuvent s’améliorer. Des études montrent une récupération de la mémoire et de la concentration dans les 6 à 12 mois après le changement. Plus vous attendez, moins la récupération est complète. C’est pourquoi il est important d’agir avant que les symptômes ne s’aggravent.
Existe-t-il des tests pour savoir si l’efavirenz m’endommage ?
Il n’y a pas de test unique, mais un ensemble d’examens peut donner des indices clairs : une évaluation neurocognitive, une densitométrie osseuse, des analyses de foie (transaminases, GGT), une mesure de la protéine C-réactive, et une analyse de la composition corporelle (graisse abdominale, masse musculaire). Ensemble, ces tests permettent de voir si l’efavirenz est en train de nuire à votre santé à long terme.
Quels sont les meilleurs médicaments à la place de l’efavirenz ?
Le dolutégravir et le bictegravir sont aujourd’hui les alternatives de choix. Ils sont plus efficaces, ont moins d’effets secondaires sur le cerveau, le foie et les os, et nécessitent une prise unique par jour. Le rilpivirine est une autre option, mais il nécessite une alimentation régulière pour être bien absorbé. Votre médecin choisira selon votre historique médical, vos autres maladies et vos préférences.