Le cancer du sein hormono-dépendant représente environ 70 % de tous les cas. Pendant des années, la thérapie endocrine - comme le tamoxifène ou les inhibiteurs d’aromatase - a été la pierre angulaire du traitement. Mais trop souvent, les tumeurs trouvent un moyen de résister. C’est là qu’alpelisib entre en jeu. Ce médicament n’est pas une solution miracle, mais il change la donne pour les patientes dont le cancer a échappé aux traitements classiques.
Qu’est-ce que l’alpelisib ?
L’alpelisib est un inhibiteur sélectif de la protéine PI3Kα, une enzyme qui joue un rôle clé dans la croissance des cellules cancéreuses. Il a été approuvé en 2019 par l’Agence européenne des médicaments (EMA) pour un usage spécifique : associer l’alpelisib à un inhibiteur d’aromatase chez les femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique, hormono-dépendant, HER2-négatif, et porteur d’une mutation du gène PIK3CA.
La mutation PIK3CA est présente chez environ 40 % des cancers du sein hormono-dépendants. Elle active un chemin de signalisation qui pousse les cellules à se multiplier même quand les hormones sont bloquées. C’est une voie de contournement : les traitements endocriniens coupent la source d’énergie principale (les œstrogènes), mais la mutation PIK3CA permet à la tumeur de se nourrir par une autre voie. L’alpelisib bloque cette voie de secours.
Comment l’alpelisib surmonte la résistance à la thérapie endocrine ?
La résistance à la thérapie endocrine n’est pas un phénomène unique. Elle peut venir de plusieurs mécanismes : augmentation des récepteurs aux œstrogènes, activation de voies alternatives comme PI3K/AKT/mTOR, ou même des changements dans le microenvironnement tumoral. Mais quand la mutation PIK3CA est présente, l’alpelisib cible directement la cause la plus fréquente.
Dans l’essai clinique SOLAR-1, qui a inclus plus de 570 patientes, celles qui ont reçu l’alpelisib en combinaison avec l’exemestane ont vu leur survie sans progression doubler par rapport à celles qui n’ont reçu que l’exemestane. La médiane de survie sans progression est passée de 3,9 mois à 11 mois. Ce n’est pas une guérison, mais c’est un gain significatif de temps - et souvent, ce temps permet de mieux vivre.
Le mécanisme est simple : l’alpelisib bloque l’activité de la PI3Kα mutée. Sans cette enzyme qui envoie des signaux de croissance, la cellule cancéreuse ne peut plus se débrouiller sans œstrogènes. Elle ralentit, voire meurt. C’est comme couper deux fils au lieu d’un seul.
Qui peut bénéficier de l’alpelisib ?
Pas toutes les patientes. L’alpelisib ne fonctionne que si une mutation PIK3CA est détectée dans la tumeur. Cela signifie qu’un test génétique est obligatoire - et pas n’importe lequel. Il faut analyser l’ADN tumoral, idéalement à partir d’un biopsie de tumeur métastatique, ou par biopsie liquide si la tumeur est difficile d’accès.
Les critères sont stricts :
- Cancer du sein métastatique
- Hormono-dépendant (récepteurs aux œstrogènes et/ou progestérone positifs)
- HER2-négatif
- Mutation PIK3CA confirmée
- Échec d’une thérapie endocrine précédente
Les patientes qui ont déjà reçu un inhibiteur de CDK4/6 (comme le palbociclib) peuvent aussi bénéficier de l’alpelisib, surtout si la mutation PIK3CA est présente. C’est devenu une étape standard dans les lignes directrices de l’ASCO et de l’ESMO depuis 2023.
Les effets secondaires : un prix à payer
L’alpelisib n’est pas sans risque. Les effets secondaires les plus fréquents sont hyperglycémie, diarrhée, éruption cutanée, perte d’appétit et fatigue. L’hyperglycémie est la plus préoccupante : jusqu’à 60 % des patientes développent une élévation du taux de sucre dans le sang. Cela ne signifie pas qu’elles deviennent diabétiques, mais elles doivent être surveillées de près.
Les médecins commencent souvent par prescrire des antidiabétiques comme la metformine en parallèle. Une étude publiée dans The New England Journal of Medicine en 2022 a montré que la prévention précoce de l’hyperglycémie permet de maintenir les patientes sur le traitement plus longtemps, sans interruption.
Les éruptions cutanées sont aussi courantes - elles ressemblent à de l’acné sévère. Elles peuvent être traitées par des crèmes topiques et des antibiotiques légers. La plupart du temps, elles s’atténuent après les deux premiers mois.
Comparaison avec d’autres traitements
Il existe d’autres options pour les cancers résistants à la thérapie endocrine. Les inhibiteurs de mTOR comme le everolimus ont été utilisés pendant des années. Mais ils ont un profil d’effets secondaires plus lourd : stomatite, pneumonie, baisse des globules blancs. Leur efficacité est similaire à celle de l’alpelisib, mais la qualité de vie est souvent plus affectée.
Les nouvelles molécules comme les inhibiteurs de AKT (par exemple l’ipatasertib) sont en cours d’étude, mais elles ne sont pas encore disponibles en Europe. L’alpelisib reste la seule option ciblée approuvée pour la mutation PIK3CA.
| Traitement | Indication | Effets secondaires majeurs | Survie sans progression moyenne |
|---|---|---|---|
| Alpelisib + exemestane | Mutation PIK3CA confirmée | Hyperglycémie, diarrhée, éruption | 11 mois |
| Everolimus + exemestane | Échec de la thérapie endocrine | Stomatite, pneumonie, cytopenies | 7,8 mois |
| CDK4/6 inhibitors + endocrine therapy | En première ligne | Neutropénie, fatigue | 25 à 30 mois |
Les limites et les perspectives
L’alpelisib ne guérit pas. Même avec un bon contrôle initial, les tumeurs finissent par développer une nouvelle résistance - souvent par l’activation d’autres voies de signalisation comme RAS ou MAPK. Les chercheurs travaillent déjà sur des combinaisons : alpelisib + inhibiteur de SHP2, ou alpelisib + anticorps anti-IGF1R. Ces essais sont en phase II et pourraient ouvrir de nouvelles voies d’ici 2027.
Un autre défi : l’accès. L’alpelisib est coûteux. En France, il est remboursé par la Sécurité sociale, mais seulement si la mutation est confirmée par un laboratoire agréé. Dans certains pays, les patientes doivent encore attendre des autorisations ou payer elles-mêmes des milliers d’euros.
Que faire si vous êtes concernée ?
Si vous avez un cancer du sein hormono-dépendant métastatique et que vous avez déjà essayé une thérapie endocrine sans succès, demandez à votre oncologue un test de mutation PIK3CA. Ce n’est pas un examen de routine - il faut le demander explicitement. La biopsie liquide est maintenant recommandée comme méthode non invasive pour détecter cette mutation.
Si le test est positif, l’alpelisib est une option réelle. Il ne s’agit pas d’un traitement de dernier recours, mais d’un outil précieux à intégrer tôt dans le parcours. Beaucoup de patientes rapportent une amélioration de leur qualité de vie : moins de douleurs, moins de métastases nouvelles, plus de temps pour voyager, voir leurs enfants grandir.
Le cancer du sein n’est plus une maladie à pronostic fixe. Avec les avancées ciblées comme l’alpelisib, il devient une maladie chronique gérable - à condition de bien la comprendre et de bien la tester.
L’alpelisib peut-il être utilisé en première ligne ?
Non. L’alpelisib est approuvé uniquement en deuxième ligne ou après échec d’une thérapie endocrine. En première ligne, les inhibiteurs de CDK4/6 comme le palbociclib restent le standard, car ils offrent une survie sans progression plus longue et un meilleur profil de tolérance.
Tout le monde peut-il faire un test de mutation PIK3CA ?
Oui, mais il faut une prescription médicale. En France, la biopsie liquide est prise en charge par la Sécurité sociale pour les patientes avec cancer métastatique. Si la tumeur est inaccessibles, la biopsie liquide est la meilleure option. Elle détecte l’ADN tumoral circulant dans le sang.
L’alpelisib fait-il grossir ?
L’alpelisib n’entraîne pas de prise de poids directe. Mais l’hyperglycémie qu’il provoque peut augmenter la sensation de faim, et certains patients ont tendance à manger plus. Un suivi nutritionnel est souvent recommandé pour éviter ce piège.
Peut-on prendre l’alpelisib avec d’autres médicaments ?
Certains médicaments peuvent interagir avec l’alpelisib, notamment les inhibiteurs du CYP3A4 (comme certains antifongiques ou antibiotiques) ou les antiacides. Il est essentiel de signaler tous les traitements que vous prenez - y compris les compléments alimentaires - à votre oncologue avant de commencer.
Y a-t-il des alternatives à l’alpelisib si je ne tolère pas les effets secondaires ?
Si vous ne supportez pas l’alpelisib, l’everolimus reste une option, même s’il a des effets secondaires plus sévères. Dans certains cas, un changement de thérapie endocrine ou une chimiothérapie ciblée peut être envisagé. La décision dépend de la situation globale de la maladie et de votre état de santé.